La vague
Je cherche le sommeil, je n’ai que quelques heures avant la traite du matin, cette idée me met la pression et, effet contraire, m’empêche de sombrer. C’est absurde. On connaît tous ça.
Je fixe le plafond, le sac de couchage remonté jusqu’au menton. Je me frotte un pied contre l’autre plus par habitude que pour me réchauffer.
Soudain je ressens une grande vibration qui vient du ventre et remonte dans le thorax. Onde de choc. Je pense à mes parents et à ma sœur. L’air s’engouffre dans mes bronches et le manque d’eux que je ressens envahit tout mon corps. Début de sanglot, deux larmes silencieuses roulent jusqu’à s’écraser sur l’oreiller.
Je viens de ressentir physiquement la distance et le temps qui me séparent des miens. Ma famille, ma tribu. J’ai l’impression d’être un de ces gros téléphones sans fil dans années 80 resté un peu trop longtemps éloigné de sa base. Il y a de la friture sur ma ligne. Ma tête a beau vouloir continuer, j’ai le corps qui rappelle à l’ordre. L’appel du clan. Amour instinctif. Ma chair a lancé un appel de sang.
La vague est intense et furtive. Quelques secondes à peine et le mental reprend possession des lieux. La raison domine à nouveau. Le tissu a absorbé les larmes, déjà souvenirs d’un amour furieusement vivant. Il faut dormir. Plus que quelques heures avant la traite.
Deloraine, Tasmania / 27.02.2020