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INSOMNIE #2

Dilettante

Ce soir j’arrive pas à dormir. Vous devez connaître ça, quand on est épuisé et que l’on n’arrive pas à débrancher ses pensées. On a le cerveau comme un vieux frigo qui turbine, bruit de fond dans la cuisine. 

Ma tête me dis que je fais tout de travers. Du travail de bricoleur comme dirait mon père. J’ai presque envie de prendre le prochain avion et de laisser la moto derrière moi. Oublier tout ça. 

J’ai le mental qui m’harcèle de négativité, sale larsen dans les oreilles depuis quelques heures. Je ne suis pas assez ceci, trop comme cela, bref, rien ne va chez moi. Le dimanche quand tout le monde s’adonne à ses passions ou juste se détend le slip devant Netflix, mon programme à moi comporte soit des trous dans le corps avec passage à l’hosto – éventuellement un petit détour par le bloc opératoire si on est joueur -, ou alors atelier « comment frôler la catastrophe mécanique ». Je mets plus de vis dans mon corps que dans ma machine. 

J’ai toujours pensé que tant que l’on a du plaisir à faire et à apprendre quelque chose, cela vaut bien les égratignures et les ratures. Si on échoue c’est parce qu’on essaye. Et ça, et bien c’est déjà un succès: essayer. Le vrai échec, c’est de ne rien tenter. 

Mais aujourd’hui j’ai réalisé à quel point je me suis mise en danger avec ma chaîne toute défoncée, mes plateaux aux dents limées, sans parler des disquettes de frein usées. J’ai réalisé que j’avais eu du cul de pas me prendre le pied dans une chaîne qui pète en plein vol sur l’autoroute. Sans parler de la chute que cela aurait provoqué alors que je roulais à 100 à l’heure. Sauf que quand j’étais en train de doubler ce camion sur le périph, j’étais encore persuadée que le bruit et les tressautements que je percevais, venaient de l’engin, de l’avant de la machine. Il doit y avoir un truc qui couille dans le bidule au niveau du machin près de cette chose là… et j’étais en route pour aller dans un atelier meca demander de l’aide, parce que franchement, moi, j’y connais rien. Je suis un désastre ambulant, je bite que dalle au fonctionnement de Momo, je n’ai pas de boîte à outils et encore moins de pièces de rechange avec moi. A quoi bon, je serais bien incapable de changer quoi que ce soit toute seule. Mais pas de panique, pas d’accident, le déluge et la pluie de boulons ce sera pas pour maintenant. Après plusieurs heures à l’atelier communautaire à utiliser des objets dont j’ai déjà oublié les noms anglais, à écouter religieusement le mécano, et à reproduire les gestes prodigués sur les rouages du chameau, tout est en ordre à nouveau. 

Mais c’est trop tard. Mon cerveau est passé en mode autoflagellation. Je ne vois que les erreurs, les défauts, le manque de connaissances et de compétences. Je suis en colère contre moi même, ma paresse et mon dilettantisme. Je me juge, me compare, je deviens mon propre bourreau intérieur. J’en viens à penser que je ne mérite même pas l’aide que l’on me donne, l’admiration que certains me portent. Je suis une imposteur, un pastiche de la personne que j’aurais voulu être. Un brouillon raté de moi-même. Peut-être qu’il faudrait tout arrêter et puis recommencer. 

Et au lieu de voir tout ce que j’ai accompli, tout ce que j’ai appris depuis que j’ai les fesses sur une selle, je ne vois que l’immense chemin à parcourir pour … pour quoi, tiens ? Pour être quoi? Pour être qui? Parfaite ? 

Ah! Ça y est, je t’ai attrapé ! Je te tiens! 

Mental dictateur, pensées négatives et juge auto-dépréciatif. Destructeur.  

Fainéante, lazy – en anglais c’est plus sexy – dilettante, amateur. Les mots prononcés par d’autres, ces adjectifs qui nous déqualifient, des maux prononcés qui résonnent depuis des années. Si bien que j’ai fini par les adopter. Je suis comme cela. Je suis ça. 

NIQUE ! 

NIQUE ÇA ! 

Je suis méticuleusement dilettante. Je suis fainéante et hyper active. Je suis consciencieusement amateur et professionnellement passionnée. Obstinément imparfaite. 

Apprendre la patience et l’indulgence pour les autres et pour moi-même est le défi le plus complexe et le plus enrichissant que m’offre ce voyage. 

Apprendre chaque jour est ce qui me fait avancer. Ça et une chaîne bien huilée…

Melbourne, 10/02/2020

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